Don Byas
Avoir un beau son… le rêve de tous les musiciens… Chez les jazzmen, le besoin est encore plus fort, et les saxophonistes sont peut- être plus que les autres, en quête de cette nécessaire exigence, mais parfois don du ciel….Pour cela, ils utilisent des saxs de préférence anciens et Vintage, des becs dénichés on ne sait où et souvent trafiqués…., Ils râpent leurs anches, ajustent leurs ligatures, bref, ils font tout pour faire hurler un professeur de saxophone classique!. Chez les saxophonistes, les sons, le timbre, l’ampleur sont très différents suivant les époques et les musiciens. Tout cela est passionnant, mais……
Celui dont j’aimerais vous parler avait un magnifique son. Très ample, vibrant, harmonieux, volumineux, convaincant . Comme on l’a écrit, c’était beau et majestueux comme une cathédrale!. Johnny Griffin l’a qualifié de “Art Tatum du saxophone ténor“!… Un sacré compliment!…. A écouter vraiment!… Votre cœur chavirera en écoutant la version de “Laura“.
Carlos Wesley “Don” Byas est né dans l’Oklahoma en 1912 d’un père clarinettiste d’origine espagnole et d’une mère dont la famille appartenait aux Cherokee. Dès l’âge de 12 ans, Carlos pratique le sax alto. Il est recruté très vite dans les orchestres de Benny Moten, d’Andy Kirk, de Walter Page puis de Hots lips Page. Il se met au ténor en 1933 après avoir écouté le grand Coleman Hawkins. La forte marque de parenté avec le “faucon” sera imprimée à tout jamais.
A New York, au début des années 40, c’est la rencontre avec les boppers (Dizzy Gillespie, Charlie Parker, Oscar Pettiford, Sonny Stitt etc…) , Au Minton’s house, une nuit de 1940, un grosse jam prend forme. Il y a là, Coleman Hawkins, mais aussi Lester Young, Chu Berry, Ben Webster et Carlos!… devenu Don Byas!….. On imagine le “tirage de bourre” entre ces bons becs!…. Notre ami est partout très demandé. Il enregistre abondamment pour Keynote, Savoy, ou Commodore. Utilisant fort bien l’harmonie et les nouveaux rythmes, on ne peut cependant le classer dans les boppers comme Wardell Gray par exemple. Il s’est dit inspiré par l’altiste Benny Carter. Mais il possède un jeu est beaucoup plus ample et fougueux. Il fait en tous les cas partie des grands. Captivant sur les ballades, il sait se montrer virtuose sur des morceaux comme “Cherokee” (sa famille!) ou Indiana , une prise ahurissante en 1945 en duo avec l’incroyable contrebassiste Slam Stewart.
Après la guerre, en 1946, Don Byas préfère séjourner en Europe, continent qui l’accueille avec enthousiasme avec sa compagne chanteuse Ines Cavanaugh . Une autre vie va éclore pour Carlos qui aime bien les petites virées, notamment à Saint Tropez. Les concerts se multiplient dans toute l’Europe. Il jouera énormément avec toutes sortes de formations, et pour l’anecdote, à Barcelone avec l’orchestre de cirque de Bernard Hilda!….., Il s’installera enfin à Amsterdam. Son retour aux Etats unis en 1970 sera décevant. Les contrats deviennent rares et mal payés. Le déplacement final avec retour à Amsterdam sera précipité. Carlos nous quittera dans cette ville le 24 août 1972. Ses derniers enregistrements ne sont pas à la hauteur de ce grand artiste. Le disque avec Ben Webster est décevant. Il existe une video dans laquelle Byas est invité du grand orchestre de Duke Ellington sur “diminuendo and crescendo in blue“. Carlos semble perdu, incapable de jouer une phrase correcte.
Reste la splendeur de cet unique musicien qui a marqué fortement des plus jeunes tenormen, comme Lucky Thompson, Johnny Griffin, ou Eddie Davis. C’était également un personnage burlesque que les anciens parisiens ont pu rencontrer ça let là. Dans une vidéo ahurissante que l’on peut trouver répertoriée sur “Google” (“Don Byas au Tropicana” Ina 1955), on peut voir Don Carlos arriver dans ce club de Saint Trop en maillot de bain, revenant de la chasse sous -marine!. Il prend son ténor et joue un superbe “tea for two” en compagnie d’un autre sax très lestérien, mais peu puissant par comparaison au big sound de Byas.
Il nous a littéralement fascinés et je me demande encore pourquoi j’ai tant tardé à vous en parler.
On doit à Alain Tomas une superbe anthologie qui nous permet de bien profiter des années les plus glorieuses de Don Byas (1938-1955 Fremeaux et associés). Je me suis inspiré du texte de Tomas pour rédiger ce billet. Qu’il en soit remercié.
Bonnes vacances à tous!…….