Le jazz se joue aussi en Chine…un peu

Interview de Romain Ostermann, bassiste et étudiant qui a passé un an et demi en Chine pour ses études et qui en a profité pour y faire aussi de la musique et fréquenter les clubs.
Il m’a semblé que son expérience était intéressante et je n’ai pas résisté à lui poser quelques questions auxquelles il a bien voulu répondre.

> Romain, parles nous en quelques mots de toi et de ton parcours musical.
Commençons par le début, j’ai 21 ans et je viens d’une famille ou tous les membres sont musiciens: un sax, un trombone, un batteur, un violoniste et une guitariste. J’avais une oreille musicale assez développée au départ mais mon intérêt pour la guitare basse s’est développé quand j’étais adolescent. J’ai ensuite pris des cours pendant quelques années en école de musique pour la partie plus théorique et travaillé en autodidacte pour la technique. C’est mon professeur de musique (un gars génial) qui m’a donné gout au blues et au jazz. Je me suis très vite imprégné de différents styles comme le swing jazz, blues, Funk, jazz fusion avec des bassistes tels que Jaco Pastorius (mon mentor), Marcus Miller et Victor Wooten.
D’autres artistes m’ont aussi énormément appris notamment sur les plans rythmiques et harmoniques tels que Bireli Lagrene, Lee Ritenour, Philippe Combelle, Jimmy Smith, Bob James, David Sanborn ou encore Maceo Parker.
Après quelques années de pratique dans divers groupes de soul, blues and rock je me suis tourné vers le monde du jazz qui pour moi représente le mieux l’esprit de la musique: “Performance, créativité et improvisation”. Je suis sans cesse à la recherche de musiciens de nature très créative.
Enfin mes études me contraignant à partir à l’étranger j’ai eu l’occasion de jouer pendant deux ans dans un contexte complètement différent de la France.

> Dans quels pays et dans quels clubs as-tu joué ?
Au aint nothing but the blues clubJ’ai tout d’abord commencé par Londres; Londres ville de la pop rock anglaise mais aussi du blues! Je jouais à l’époque à 100m de l’arret “Oxford Circus” à coté de Regent street dans un club qui s’appelle le “Ain’t nothin’ but….the blues“. Tous les soirs, 1 artiste connu à l’affiche et jam sessions le lundi soir et dimanche après midi. La jam à Londres c’est pas très compliqué: une trentaine de musiciens entre 25 et 65 ans, une liste par instruments joués, de la bierre et c’est parti pour 4h d’improvisation en swing, blues, jazz etc… Le cercle des habitués de la jam session est assez dur à pénétrer, on met facilement 1 mois à être considéré comme “jam player” en venant 2 fois par semaine. C’est dur, vous êtes critiqué et il faut faire preuve de beaucoup d’humilité face à des musiciens habitués du club. Cependant une fois rentré dans ce cercle vous êtes considérés comme membre à part entière. Je me souviendrai toujours de mon escale à Londres après 1 an passés en chine ou des musiciens qui ne m’avaient pourtant pas beaucoup croisés m’ont demandé “mec tu était passé ou?”
J’ai ensuite joué en Chine, à Shanghai dans un club qui s’appelait le Anar Club a “fa hua zhen lu “. Dans ce club l’ambiance était assez différente. De la pop rock jouée par les chinois pour les chinois, du groove and soul voir reggae pour le public européen. Il était assez difficile de s’imposer sur un registre purement jazz du fait que tous les chanteurs étaient afro américains avec un registre plus soul RnB Funk à la James Brown. Le problème avec les jam sessions au Anar club était que le niveau était très irrégulier en fonction des musiciens. Je suis rentré un certain nombre de fois déçu par les prestations…

> Combien de temps as-tu passé en Chine et as-tu eu d’autres expériences musicales en dehors de Shanghai ?
J’ai passé 1 an et demi là bas dont 1 an à Xi’an en plein centre de la chine. Et là impossible de faire jouer du jazz ou même du blues à qui que ce soit. Seule les grandes métropoles ayant un échange avec l’occident sont ouvertes à ce genre de musique  Et encore le patron du club est Européen ou Américain.

> Peux tu nous parler des clubs de jazz chinois et des lieux de musique vivante. Leur nombre, la fréquentation et l’écoute et l’intérêt du public…
De ce que j’ai vécu là bas les clubs de jazz ne sont pas du tout répandus comparés au nombre  de bars et boites que l’on peut trouver. J’ai référencé 3 clubs a Shanghai (en cherchant longuement sur smart Shanghai). Il y a le Anar club qui fait bar, concert de tous genres, Le Cotton club qui n’accepte que les pros (très bon niveau) et le JZ club qui fait venir des pointures de temps en temps et organise un festival en fin d’année il me semble. Avouez que pour une ville de 20 millions d’habitants c’est pas énorme! En général la fréquentation par le public est assez mixte: Européens et connaisseurs chinois assez riches car les prix des consommations sont élevés. Les chinois présents viennent à la fois pour la musique mais aussi pour la réputation du lieu. Les chinois présents sont donc assez aisés voir riches.

un club de jazz a Shanghai> Est-il facile de s’introduire sur la scène d’un club de jazz là bas et comment as-tu réussi ?
Étant donné que les clubs ne sont pas répandus, c’est exactement le phénomène inverse de Londres, si vous arrivez dans un club avec votre groupe en demandant à parler au patron, c’est sans problème, vous aurez une audition et vous pourrez jouer. De plus étant Européen cela facilite le contact sur place.

> Quel jazz jouent les musiciens chinois et quel est leur niveau ?
Les musiciens jouent plus du modern jazz et les instruments présents sont souvent: guitares, basse, batterie, clavier et cuivre (trompette ou sax)
Par rapport au niveau cela va du tout au rien: soit ils ne jouent pas de jazz, soit ils sont pros avec un excellent niveau (pour les musiciens chinois)

> Sont ils ouverts pour jouer avec des musiciens étrangers et comment te considéraient-ils ?
Ils sont toujours très ouverts pour jouer avec des étrangers et je n’ai jamais eu de problèmes à me faire accepter dans des jam sessions. Ils considèrent l’étranger comme quelqu’un qui peut leur apporter quelque chose musicalement. Cependant ils restent assez centrés sur “leur musique” -de la variété pop rock chinoise- du fait qu’ils ne sont pas encore très habitués aux musiques occidentales

> Quelle conclusion peux-tu tirer de ton expérience à Shanghai, musicalement et humainement ?
Je dirais que cette expérience a Shanghai a été pour moi un moyen de développer encore plus ma polyvalence musicale notamment pour les parties solo qui contrairement à Londres étaient imposées au Anar. Du coup cela m’a permis de sortir de ce rôle d’accompagnateur que je reproche trop souvent à la basse et de mieux pouvoir m’exprimer à travers mon instrument. Humainement les expériences sont intéressantes car elles permettent de rencontrer des musiciens de tous niveaux, avec leur vision de la musique. D’ailleurs c’est une des notions qui m’intéresse le plus dans la musique car c’est une bonne façon d’évoluer et ne pas rester figé sur un style.

Le Myspace de Romain

Commentaires
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2 Commentaires

  1. Un parcours très intéressant!

  2. Yeahh perfect l’interview !!! Romain t’envois le pâté !!!

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