Cannonball Adderley

Voici mon dernier billet avant de m’envoler avec Cathy vers la douce France métropolitaine….

Et si je vous parlais du saxophoniste alto  Cannonball Adderley, un de mes chouchous!….

Né à Tampa (Floride) en 1928, il nous a quittés  en août 1975. Tiens, ce n’était pas un autodidacte…contrairement à ce que j’écris souvent ici…Il a même fait de sérieuses études musicales,  avec l’apprentissage de la flûte, de la trompette, de la clarinette  avant de se consacrer définitivement au saxophone alto.

A cause de son appétit féroce, on l’a vite surnommé “le Cannibale”, d’où la déformation …“cannonball“…Ah! les légendes!…On a même évoqué dans ses biographies, une participation à  un concours “à qui mangerait le plus”…J’en connais d’autres plus contemporains….Des noms ! ….Non!…..pas encore!….


Un peu rondouillet,  c’est vrai,  je le vois plus “avaleur de…notes!”…un peu glouton parfois!…mais bon!…. Cannonball forme son premier groupe en 1952 à Washington, fréquente l’US Naval school of music et se trouve très vite à la tête de l’orchestre de Fort Knox (!) . Tout jeune,  mais techniquement bien armé, Il va écouter avec avidité Charlie Parker,  et devenir un de ses principaux suiveurs plus qu’imitateurs. C’est incontestable. Mais dans son jeu, on trouve,  selon moi, plus de fluidité encore,  de la rondeur , de magnifiques impulsions , une construction plus bluesy de la phrase….allez, disons -le,  un peu plus de swing encore…..Mais il ne s’agit pas de comparer ici les deux hommes, même si la tentation est grande….Laissons la place aux spécialistes…Disons simplement ici , que,  de l’avis de beaucoup, Cannonball Adderley, très parkérien, au souffle puissant,  a subi,  notamment sur les ballades,  l’influence de Benny Carter,  voire de Johnny Hodges, alors que Parker avait opéré un vrai revirement de style.

Revenons à notre Canonball..En 1955, il a l’occasion de faire le bœuf avec  le trio du contrebassiste ‘Oscar Pettiford...Charlie Parker vient de disparaître. La voie semble ouverte pour Adderley , assez rapidement sous contrat en 1956  avec la firme EmArcy. Il va intéger dans ses formations  le petit  frère Nat, de trois ans son cadet, trompettiste et cornettiste, lequel va rester à ses côtés, sauf pour des sessions au cours desquelles Cannonball va faire des rencontres magiques…..et s’exprimer pleinement dans sa période la plus faste, de 1958 à 1962.

Tout  avait commencé en 1955 (mais c’est une sélection très subjective),  par la rencontre de notre altiste avec les cordes. Tous les grands musiciens solistes ont cherché et aimé jouer avec les cordes. Cannonball l’a fait très vite,  et ce fut une de ses réussites de chez Mercury .

La séance avec Miles Davis du 9 mars 1958 est particulièrement remarquable (“somethin’else” Blue note ). Un vrai bijou. La rythmique est de rêve,  avec,  au piano  Hank Jones , en gardien du temple, Sam Jones, solide à la contrebasse, et Art Blakey au tempo appuyé et immuable aux drums. J’aime le Miles de cette époque, incisif et sobre,  utilisant à la perfection la sourdine Harmon. Dans ce cd, archi connu des fans de jazz, Cannonball se révèle très inspiré et plus aventureux que Miles!. On reste dans le tempo souple. Les musiciens,  notamment sur “Autumn leaves” et ” love for sale, “ font preuve d’une belle  maitrise, et d’une réelle invention,  juste un peu pour montrer. Mais la musique, sans trop de fioritures,  est attractive. L’écoute est délectable.

Nous arrivons (je vais un peu vite!)  au ” chef d’œuvre”, enregistré  le 22 avril 1959 à New York…Le “kind of blue”!…. Qui ne connaît pas ce disque que l’on trouve facilement,  y compris dans les rayons des super marchés!…… Incroyable pour le jazz!….Ce jour là, on a fait venir dans le studio CBS du beau monde. Miles Davis, le saxophoniste John Coltrane, les pianistes Bill Evans et Wynton Kelly , le contrebassiste Paul Chambers, et le batteur Jimmy Cobb!….. Rien que ça!…… Ca devait marcher tout seul,  et c’est ce qui s’est passé. La rencontre de Cannonball avec Coltrane est passionnante. Là encore, à mon goût!…Cannonball domine Trane  en swing pur. Mais il peut y avoir débat…. Miles est toujours dans son registre “droit au but!”. Sur le coussin d’air de la rythmique, les thèmes s’enchaînent (“so what” “Freddie Freeldader”, “blues in green”, “all blues“,  et “flamenco sketches“). On utilise ici le matériel modal…Même moi, qui ne suis pas fan de ce style, je trouve la session parfaite, un peu planante cependant,  du moins au début . Cannonball se promène,  et avec ses phrases longues et sinueuses, voire glissantes, il apporte davantage de souplesse que ses compères soufflants.


Cannonball va retrouver Coltrane  en février 1959 à Chicago,  avec la même rythmique que celle de “kind of blue” Cannonball Adderley quintet in Chicago (Mercury). La rencontre est encore un fois passionnante. Deux magnifiques ballades dans ce CD: “stars fell in Alabama”,  jouée par Cannonball, et “you’re a weaver of dreams”, interprétée par Coltrane. J’aime John quand il joue comme ça. Pour le reste…On en reparlera un jour!…..

On notera aussi les plages enregistrés avec le pianiste George Shearing (1957-59) et la très palpitante rencontre de début 1961 avec Bill Evans. J’aime beaucoup ce dernier disque (“Know what I mean”. Riverside). Le pianiste dépose pour ce disque son habit de chercheur mystique. Il devient accompagnateur…et il réussit parfaitement dans sa tâche,  en compagnie de Percy Heath à la contrebasse , et de Connie Kay à la batterie.

Toujours de beaux duels entre musiciens qui ont la même conception de la musique. Exemples: le vibraphoniste Milt Jackson rejoint Cannonball à New York le 28 octobre 1958 pour une superbe séance (“things are getting better” -Riverside).  De la même façon, avec le guitariste  Wes Mongomery, c’est toujours aussi excitant.

Cannonball s’est beaucoup produit  avec son frère Nat et les pianistes  Bobby Timmons  et Victor Feldman dans les années qui suivirent..Les succès se sont succédés dans cette période “churchy” ou “funky  (“Them dirty blues”,”This here”, “Bohemia after dark”, “Mercy mercy, mercy“). Oh oui, merci beaucoup Cannonball pour la musique que tu nous as  offerte!…

Les critiques n’ont pas toujours été tendres pour Cannonball,  qui a du souffrir, sans doute,  de la comparaison avec Parker, ce dernier inattaquable pour beaucoup . Il faut dire aussi que Adderley n’a pas eu peur de frotter aux styles naissants qui privilégiaient l’aspect commercial du moment. J’ai moins de goût pour la période finale de Cannonball en compagnie du pianiste Joe Zawinul puis de George Duke.  Finalement , la discographie de Cannonball , pour notre plus grand plaisir, est abondante. On peut choisir……Tiens, pour la route, pensez à l’écouter sur des bossas avec le Bossa Rio of Brazil ( décembre 1962 Capitol records).

Je voulais ici vous signaler certains enregistrements phares de ce musicien,  que je place volontiers parmi les plus grands. Sa générosité, sa sonorité pleine de lyrisme, sa parfaite technique, son grand swing aussi…sont là pour le démontrer. Il fallait que je vous en parle. Découvrez le,  ou explorez- le à nouveau.

Bonnes vacances à tous!….

 

 

Commentaires
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2 Commentaires

  1. Dans ladite préface, Jimmy Cobb parle de Earl Bostic dans les influences de Cannonball. Je n’y avais pas pensé. A la réflexion, c’est très vrai, pour la puissance de l’émission notamment!….

  2. Je viens de me procurer un bouquin écrit par Ashley Kahn et paru en 2009 aux éditions “le mot et le reste”. Il s’agit du “making of” de “Kind of blue”. J’ai commencé à lire ce livre qui semble passionnant. Je vous en reparlerai. La préface est du batteur Jimmy Cobb, seul survivant de la célèbre séance….

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