Stan Getz et la bossa

Dans un précédent billet, je vous ai déjà parlé de Stan Getz, un des musiciens que j’écoute le plus…En fait, Getz, je l’ai découvert par la bossa-nova, et ce n’est par la suite, que je suis allé chercher (et que j’ai trouvé!)  ce qu’il y avait fascinant chez ce musicien sublime…

Certaines lectures sur la bossa dans les revues de jazz débouchent sur une analyse péjorative…Pas mal d’amateurs de jazz et de musiciens détestent ce mélange de genres. D’autres solistes, au contraire,  se sont épanouis et ont élargi leur expression musicale dans ce style.

La “bossa nova” , “la nouvelle vague”,  a surtout été connue par le rôle joué par  Antonio Carlos Jobim, pianiste compositeur de la plupart des grands succès connus dans le monde entier. Superbes songs venus nourrir le répertoire du jazz dans les années 60.

C’est pourtant avec le guitariste Charlie Byrd que Stan Getz connut son premier succès (“Desafinado” ) en février 1962 (“jazz samba” Verve ). Huit Grammy Awards !….. Ca partait fort!…

L’année suivante, en mars 1963, sortait sur la même firme Verve, “le disque” (!) qui allait faire le tour du monde,  le fameux “Getz-Gilberto”. Il faut dire que la rencontre ne pouvait qu’être passionnante. Antonio Carlos Jobim était au piano, apportant avec beaucoup de discrétion mais d’efficacité,  la coloration typique nécessaire  sur ses compositions (“Girl from Impanema”, “So danço samba”, “O grande amor”, et “corcovado”). On découvrait à cette occasion la douce voix lègérement voilée de Joao Gilberto, s’accompagnant de façon sublime à la guitare. La participation charmante de Astrud Gilberto, immortelle vocaliste sur ‘the girl” en anglais,  a été diversement appréciée,  surtout par les puristes. Mais, personnellement, elle ne me gêne pas. Elle reste attachée au succès de l’album.

Stan Getz a trouvé dans la bossa un terrain fertile pour exprimer une sorte de désinvolture sur ce rythme chaloupé, très relax aussi, venant de la batida bésilienne, que les batteurs de jazz ont toujours eu du mal à adopter,  si j’en crois Alain Tercinet, dans une très riche article sur ce sujet paru dans “jazzman” en juin 2008.

Getz, en tous les cas, se promenait sur ces thèmes, toujours enjôleur, mêlant douceur dans l’expression et inventivité sans fin,  avec ce son que nous lui connaissons,…La bossa, comme la samba,  est une musique riche en harmonies et en accords de transition. La langue portugaise (brésilienne) va aussi bien à la bossa que l’anglais au jazz,  ou l’espagnol au flamenco.Les thèmes sont souvent splendides, pas faciles à interpréter si on est pas “dedans”. Stan Getz “the sound”, se trouvait bien sur cette musique de fusion (eh oui! déjà!) ,  à une époque  (début des années 60) où John Coltrane, son principal “rival”, conduisait l’art du tenor sax sur des mouvances  exigeantes et le plus souvent agitées. Le feeling de Getz fit merveille….sans forcer son talent, l’artiste au sommet de son art,  faisant chanter son saxophone autour des vocalistes dont il semblait rechercher la compagnie.. Le succès fut aussi considérable qu’inattendu. Getz:“je pensais seulement que c’était une jolie musique, pas que l’on ferait un malheur avec”.

Autre rencontre fructueuse,  celle avec Luiz Bonfà. Cette grande figure de la musique brésilienne, plus spécialement de la samba -cançào, était connue comme étant le créateur de “Manha de Carnaval” et de la “samba de Orpheu”, magnifiques oeuvres agrémentant la musique du célèbre film de Marcel Camus “Orfeu negro“.  Très vite après , Stan Getz a enregistré des bossas avec le big band de Gary Mac Farland (1962), dont le fameux “Chega de saudade”.

La guitare classique, celle qui sonne bien sous les doigts, allait être de pratiquement toutes les séances. A noter la participation dans ce merveilleux carrousel brésilien,  de Laurindo Almeida. L’enregistrement de 1963  (“otra vez”) chez Verve est à placer dans les meilleurs disques de Getz…

En 1975, le saxophoniste mettra fin à sa “période bossa” avec “the best of two worlds” (CBs) . Il retrouvera, à cette occasion, son complice de toujours Joao Gilberto, mais aussi Oscar Castro Neves, guitariste et arrangeur. Un excellent moment.

Beaucoup de musiciens de jazz se sont exprimés dans la bossa nova avec des succès inégaux. Je citerai rapidement Coleman Hawkins (“Desafinado“.1962 Impulse), Cannonball Adderley (Cannonball’s bossa-nova 1962. Riverside), Paul Desmond ( Bossa antigua . 1963 RCA), ou encore Hank Mobley (blue note), Gerry Mulligan (“paraiso” 1993 Telarc) Ella Fitzgerald, Sonny Rollins, Dexter Gordon et Phil Woods.

Les rythmes de bossa continuent d’être joués dans le monde entier. La musique de jazz, quon ne le  veuille ou pas, en a emprunté la couleur et la richesse depuis maintenant 50 ans….Et Stan Getz, qui a enregistré d’autres  merveilles depuis, notamment avec le pianiste  Kenny Barron, reste un de ceux qui a permis cette découverte et ce rayonnement, selon moi bénéfique.

Au terme de son excellente étude déjà citée, Alain Tercinet conclut comme suit: Getz donnait donnait à entendre la bossa- nova vue au travers d’un tempérament. De son tempérament. Certains lui en firent grief, oubliant qu’il était impossible à un musicien de jazz de traduire cette musique dans toute sa pureté et son authenticité. Pourtant, sans Stan Getz, la bossa-nova aurait -elle connu un rayonnement identique ? En tous cas, elle n’aurait pas compté un aussi grand nombre d’amoureux éperdus”…

Bien vu. J’en fais partie.

Commentaires
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1 Comentaire

  1. Salut,
    Si la bossa a permis à Getz de rouler en Rolls Royce immatriculée a ses initiales et de racheter la luxueuse demeure d’un ancien président des Etats Unis il rappelait dans une interview à Jazz Magazine qu’à la même époque il enregistrait
    un de ses disques préféré .Ce même disque étant désigné également par J.J.Johson comme son préféré également :
    Stan Getz et J.J.Johnson at the opera house 1957 “.
    Le niveau y est tellement élevé que Peterson faisant pourtant partie de la rythmique n’y est pas “autorisé” à prendre un solo.
    Tout est exemplaire dans ces enregistrements ( 2 en fait ):
    – inspiration individuelle et complicité des deux soliste.
    – pertinence de la rythmique par la permanence du tempo , du swing et de l’à propos des commentaires .

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