Guy Lafitte

Nous sommes nombreux à avoir connu et écouté Guy Lafitte. Nous possédons la plupart de ses enregistrements, tous sublimes… On a aussi beaucoup écrit sur ce musicien gascon né en 1927 à Saint Gaudens, et qui nous a quittés en 1998, après avoir enregistré un très émouvant chant du cygne avec son jeune complice Pierre Boussaguet (“crossings”). Le sax tenor et la contrebasse et ceux qui les jouaient, se sont retrouvés en gare de Borredon (Lot), là où le train n’arrivait plus….. Sur le booklet, on les voit cheminer sur les rails, comme pour nous dire… “tout continue… rien de n’arrête….” Emotion garantie…

Lafitte avec Hugues Panassié et Mezz MezzrowGuy Lafitte, c’était une institution! Avec son accent du sud ouest, il s’est chopé celui des states, disons des jazzmen, lui qui n’y était jamais allé…. Avant d’être le brillant saxophoniste, que l’on connaît, Il était, à ses débuts, clarinettiste et totalement autodidacte… Ayant beaucoup joué dans les balloches… il expliquait avec humour… “Un jour , j’ai décidé d’apprendre le solfège pour devenir un grand musicien. Les gitans m’ont dit: si tu apprends le solfège, tu risques de perdre ton âme..C’était trop beau, je l’ai cru!.. “. Son accent amerloque, tout de suite jazz, je soupçonne (et je suis pas le seul…), le père Coleman Hawkins, de lui avoir légué…Carlos Don Byas a été aussi un maître inspirateur…On les retrouve dans la même quête : la beauté du son, le lyrisme et le swing , comme aussi Paul Gonsalves et Lucky Thompson. Son ainé, Alix Combelle , suivait déjà les mêmes traces….Et puis, pour se persuader que le jazz peut éclore partout, Guy a écouté avec gourmandise, Django Reinhardt et Stéphane Grapelli,….. En fait, il aimait tout, se plaît -il à rappeler….

Après des tournées dans les années 50 avec Mezz Mezzrow, Bill Coleman, Dicky Wells, Guy Lafitte est devenu une grande vedette, et on l’a vu et écouté aux côtés de Lionel Hampton, Stan Getz, Duke Ellington et Louis Armstrong, ces deux derniers dans la bande son de “Paris blues ” (1963).

Au fil des ans, notre gascon a pris de plus en plus d’assurance et a joué la plupart du temps en quartet, avec tous ces musiciens qui ont fait notre admiration (Will Bill Davis, Raymond Fol, Georges Arvanitas, Georges Duvivier, Jacky Terrasson, Jeannot Rabeson, Al Levitt, Luigi Trussardi, et Philippe Combelle…… et j’en oublie…. Tous les disques de ces séances méritent la mention la plus élevée. J’ai pour ma part, une petite préférence pour “Sugar and spice” (RCA) avec les Four bones, mais surtout, pour les deux chefs- d’oeuvre chez “Black and blue”: “Corps et âme ” et “Happy” 1978), avec le grand pianiste Hank Jones, au sommet de son art….

J’ai beaucoup appris avec Guy Lafitte, que j’ai souvent rencontré et écouté, notamment à la Réunion… Il m’avait dit à cette occasion: “c’est beau ton pays, mais putain! que c’est loin!…”. Pierre Boussaguet était à ses côtés à se friser les moustaches… avant d’entamer avec Guy un débat passionné, qui s’était terminé par de grands éclats de rire, au milieu de volutes de fumée ou de vapeurs d’Armagnac…. Parfois, Guy se faisait provocateur. Il nous disait par exemple, qu’il n’aimait pas Earl Hines et Ben Webster!…. Il avait tellement de gouaille qu’on ne le croyait qu’à moitié!… C’était un conteur merveilleux sax en bouche, comme autour d’une table….

Il existe deux films-documentaires sur Guy. Dans le premier, il explique en posant une bûche dans la cheminée de sa ferme de l’Isle- en -Dodon , qu’il a préféré rester vivre avec ses brebis dans le Gers, et qu’il s’est ainsi payé un luxe….Il a des propos très nostalgiques sur la fin…Il n’est pas heureux, car, nous dit-il, il n’a jamais pu jouer comme Hawkins!!!…On le voit aussi, avec sa femme Colombe, dans son magasin de Samatan avec un jeune ado qu’il essaie d’initier au jazz, avant de rejoindre ses amis pour une partie de pêche. Un grand moment. Dans un autre film, on le voit à New York!… Il découvre l’endroit où…. le jazz a vraiment prospéré, et où ont joué tous les grands. Dans un bistrot de “la grosse pomme”, il joue comme ça, merveilleusement , assis sur une chaise, “My foolish heart”, accompagné de façon attentive et admirative par le pianiste Ray Bryant.

Guy Lafitte, un de ceux que j’ai plaisir à placer parmi les très grands….. Il faut découvrir ou redécouvrir toute sa discographie.

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7 Commentaires

  1. bonjour
    Pourriez vous me confirmer le titre
    du film documentaires parus sur FR3 aquitaine
    je pense que c’est le JAZZ DE GUY LAFITTE 1989
    . tournage à Marciac en aout et NEW YORK en septembre
    réalisateur pierre BESSAGNET (cumav du gers)
    Merci par avance

  2. Un grand merci pour cet article qui m’a beaucoup émue.

    Je suis très touchée de voir que Guy est toujours dans le coeur de ses amis.

    Très amicalement.

    Colombe Lafitte.

  3. Merci pour tous ces messages…Cela veut dire que les passionnés de jazz et d’autres choses se branchent sur le jipiblog!..

    Pierre Boussaguet: merci de ton témoignage. Tu es un de nous tous qui l’a le mieux connu. Votre complicité musicale et humaine était connue de tous!…Tu réfutes l’esprit de provocation de Guy…OK…Mais je suis un peu sur les fesses, quand j’écoute Ben Webster…et que lui (!) n’aimait pas…Mais l’expérience m’a souvent démontré que ce ne sont pas les musiciens, et surtout les grands, qui parlent le mieux du jazz et des autres grands…Dans l’inspiration il ya je te l’accorde Rollins et Dexter, oui, OK, mais moi…..(et d’autres…) j’entends surtout Hawkins…. et Guy lui-même, me semble t-il, revendiquait avec force la filiation avec le Bean!…Smack Pierre!….

    Pierre Vignacq, tu as eu une sacrée chance avec Jacquy Berecochea de pénétrer dans la bergerie…Avais-tu pris des photos ?…Il faudra nous conter cette rencontre avec plus de détails.

    Christian, merci pour ta réaction…Il faut se souvenir de Guy de temps en temps…. Ses amis sont nombreux….

    Pour les films à présent, cela n’a rien à voir avec “you tube”. Les documents sur ce site avec la grande rencontre avec Hawkins, Wilen, Byas et Getz (je crois ?) est fantastique…Non, ceux dont je parle, ce sont des films documentaires parus dur FR3 aquitaine dans la fin des années 1980 (je crois ?). Dominique Burucoa et moi, nous les avions enregistrés de même qu’un sur Panassié fameux…Je les ai récemment copiés en dvd. Les progrès de la communication, fulgurants, feront qu’on pourra un jour se les diffuser entre nous…peut être sur le jipiblog!…Ils sont assez abimés….Mais ils existent!….

  4. merci à Pierre Fagalde pour cet article sur Guy.
    Il y a 2 points que je dois relever cependant. Quand Guy disait, expliquait, analysait pourquoi il aimait telle chose ou tel personnage, ce n’était pas un jeu de rôle, ou une provocation.
    C’était le fruit d’une perception, d’une pensée qui chemine, ou d’un élément affectif; en tous les cas quelque chose qui devait être exprimé.
    Cette liberté de penser est un outil essentiel pour avancer vers soi-même et vers la musique.
    La deuxième chose est dans les saxophonistes cités comme influence du son de Guy. Il manque Rollins et Dexter. En fait, comme tout vrai artiste, le son est une quête permanente.
    On ne le contrôle même pas, on se laisse emporter, et ce lâcher-prise permet d’arriver à un son. C’est comme la recherche, on trouve mais pas toujours dans le sens présumé.
    L’important, c’est de chercher.

    P. Boussaguet

  5. J’ai eu le privilège de franchir la porte de la bergerie. Avec l’ami Béré, un après-midi de février 93. Un jour de neige sur les côteaux. Un jour qu’on n’oublie plus.
    Je me souviens du feu dans la cheminée et de l’armagnac. Mais la chaleur de l’homme les surpassait tous.
    Et l’unique photo près du piano, grande, de ces noirs et de ces blancs que j’aime. Je l’entends encore. C’était Paul Gonsalves.

  6. Bonjour,

    merci pour cet excellent article

    plus complet que ceux publiés précédemment
    c’est vrai que Guy fut un musicien de jazz exceptionnel
    quelle chance nous avons eu de pouvoir, l’écouter, le voir, lui parler aussi facilement toutes ces dernières années où il était la vedette si sympathique de festivals proches : bayonne, hossegor, marciac, lisle jourdain, salle bleue (toulouse)…
    à propos de ces 2 films, quels sont les titres et éventuellement les moyens de es visionner ?

    encore Merci

    Christian

    • Je ne sais pas de quel film parle Pierre, mais il existe sur le site de l’INA deux films ou l’on peut voir et écouter Guy.

      – Jazz in Marciac 95 ou Guy joue en compagnie de Jeanot Rabeson au piano, Pierre Boussaguet à la contrebasse et Philippe Combelle à la batterie
      Sur le site de l’INA en vente pour 4,00 euros

      – Enregistré au palais des festival de cannes à l’occasion de l’édition de 1958, Stan GETZ, Guy LAFFITE, Barney WILEN, Don BYAS et Coleman HAWKINS improvisent sur un thème classique,” Indiana”. A la batterie, on aperçoit J.C. HEARD et au piano Martial SOLAL
      Sur la boutique de l’INA 1,50 euros

      Et sur youtube cette compil préparée par eh oui ! Jack Diéval ou l’on peut entendre Guy Lafitte.

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